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17 septembre 2015 4 17 /09 /septembre /2015 16:58
AFFAIRE DES "RECLUS DE M..." : QUEL A ETE LE ROLE DU NOTAIRE ET QUELLE GARANTIE SON INTERVENTION A-T-ELLE APPORTE ?

AFFAIRE DES « RECLUS DE M... » : QUEL A ETE LE ROLE DU NOTAIRE ET QUELLE GARANTIE SON INTERVENTION A-T-ELLE APPORTE ?

Un article de Ouest-France (signé Pierrick BAUDAIS) revient sur cette drôle d'affaire, dans laquelle une famille « sous l'emprise d'un gourou pendant 10 ans » veut récupérer son château.

Extraits :

« La famille de V... saura ce jeudi après-midi si elle peut récupérer la propriété du Lot-et-Garonne qu'elle a vendue, alors qu'elle était sous l'emprise d'un gourou.

Le château de M..., restauré en 1862 et situé à M... (Lot-et-Garonne), appartient à la famille de V... depuis le XVIIème siècle. Mais le 29 janvier 2008, devant notaire, elle vend cette propriété à la SCI Y..., gérée par …, pour la somme de 460.000 €.

Sept ans plus tard, la famille souhaite récupérer son ancienne bâtisse qui, depuis, a été vendue à une tierce personne. L'audience s'est déroulée le 9 juillet devant le tribunal de grande instance d'Agen. La décision doit être rendue ce jeudi après-midi. La famille, elle, reste convaincue du bien-fondé de sa démarche.

Pas sain d'esprit

Me P..., l'avocat des de V..., fait valoir un argument de poids : l'article 414-1 du Code civil : « Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit ». Or, rappelle l'avocat, pas moins de onze membres de cette famille – surnommés les reclus de M... - ont été sous l'emprise d'un gourou, T..., de 2000 à 2009. Parmi eux, un médecin et une chef d'entreprise.

Par deux fois, en première instance et en appel, la justice a condamné cet homme pour avoir abusé de ces personnes « en état de sujétion psychologique ou physique ». Dix ans de prison ferme en appel. Le psychiatre D... qui a examiné les membres de cette famille, a confirmé qu'elles étaient « en état d'emprise mentale ».

L'emprise de T... était telle qu'il avait astreint Mme de V..., 58 ans à l'époque, documentaliste de formation, à rester assise sur un tabouret durant près de deux semaines. Il avait aussi convaincu la famille qu'elle était la cible d'un complot orchestré par les Renseignements généraux …

Le rôle trouble du notaire :

Dans sa procédure, l'avocat de la famille de V... vise aussi le notaire qui a permis la vente du château. Pourquoi cette propriété, située sur un terrain de 1,6 ha, n'a-t-elle été vendue que 460.000 €, alors qu'elle était estimée à 1,2 millions d'euros ? Ce 29 janvier 2008, le représentant de la famille de V... était venu signer un contrat de prêt, assorti d'une garantie hypothécaire.

Pourquoi le notaire qui, le jour même, avait reçu une lettre anonyme l'informant de la situation dans laquelle se trouvait la famille de V..., a-t-il refusé le prêt, mais a accepté de rédiger un acte de vente ?

Pourquoi enfin, en plus de l'acte de vente, le même jour, une convention de revente a été signée ? Celle-ci stipulait que cinq ans plus tard, la SCI Y... revende le château à la famille de V... au prix de 850.000 € ?

Malgré les arguments de cette famille, il ne lui sera pas aisé de retrouver son bien. Entre-temps, la bâtisse et le terrain ont été revendus à un troisième propriétaire (au prix de 560.000 €). Et ce dernier, bien sûr, réclame que la demande des de V... soit rejetée. »

Le jugement de cet après-midi devrait nous en dire plus sur « le rôle trouble du notaire » (pour reprendre la formule de Ouest-France), et quelle garantie son intervention obligée a apporté tant aux vendeurs qu'à l'acquéreur de la propriété.

Jugement :

Dans son jugement en date du 17 septembre, le tribunal d'Agen a annulé la première vente, considérant que les membres de la famille de V... « ont été affectés d'une altération du discernement et de leurs capacités de raisonnement et de jugement, confinant à l'insanité d'esprit ».

En revanche, le tribunal a précisé que la nullité de cet acte n'était pas opposable à l'actuel propriétaire, qui avait acquis le château de la SCI Y.... Le tribunal a estimé que ce second acquéreur est « un tiers de bonne foi », et qu'il conserve donc la propriété.

Pour ce qui est du notaire, considérant qu'il a « commis une faute à l'endroit des consorts de V... » et « engagé sa responsabilité civile » dans cette opération, le tribunal l'a condamné à payer, à titre de dommages et intérêts, 200.000 euros à la famille de V..., et 490.000 euros à la SCI Y..., premier acquéreur du château.

Les juges ont estimé que ce notaire ne pouvait pas ignorer les conditions douteuses dans lesquelles la vente s'était déroulée.

 

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commentaires

C
Des informations externes actuellement accessibles je dirais plutôt « fait troublant » « affaire étonnante ». Au travers des faits relatés, ce qui surprend c’est effectivement la valeur élevée du prix de rachat en regard du prix de vente. Vous énoncez à un moment donné une valeur vénale de 1.200.000 Euros. Le bien est vendu 460.000 Euros avec convention de rachat 5 ans plus tard pour 850.000 Euros. On a donc trois hypothèses de valeur : soit le montant de 460.000 Euros correspond à la valeur réelle du bien? Soit le montant de 850.000 Euros correspond à la valeur réelle du bien? Soit le montant de 1.200.000 Euros correspond à la valeur réelle du bien ? <br /> Ce qui m’a fait pensé au réméré c’est votre relation du prix de 1.200.000 Euros. Souvent le réméré est proposé comme une solution alternative à une opération financière de prêt, et dont la construction induit qu’effectivement le prix de vente originaire est inférieur au prix de rachat, lequel prix de rachat est inférieur à la valeur vénale (selon les mécanismes de négociation avec certaines sociétés financières). En reprenant la valeur de 460.000 Euros avec un prix de rachat de 850.000 Euros cela donne un taux interne de rendement brut d’environ 9,16%, ce qui aboutissait à un taux interne de rendement net approximatif d’environ 6,04% pour l’acquéreur. Bref sur la base d’une analyse de l’économie de ce type d’opération sous l’angle du réméré, l’opération s’explique au travers des faits bruts ainsi mentionnés. C’est ainsi que je l’ai comprise.<br /> Je suis donc impatient d’avoir accès à la décision de justice, car tant au travers de la présentation technique de l’opération, que des faits relatés, je reste dans l’interrogation de la lourdeur de la sanction pécuniaire infligée à ce notaire.
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L
Ce n’est bien entendu pas ce que je voulais dire, mais appeler les choses par leur nom, surtout pour les juristes, a son importance
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A
Mais il semble bien que cette affaire "trouble", les conditions de validité d'un remere n'aient pas été réunies.
L
Et la vente en réméré, vous connaissez ?
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A
Et le juge, on peut penser qu'il connaît aussi !
C
Vous faites état de la condamnation prononcée à l'encontre du Notaire, certes. Ne pouvant accéder au jugement il est difficile de comprendre les éléments propres sur le dossier qui ont entraîné la responsabilité du Notaire. Ici, bien des éléments de faits non relatés font défaut pour comprendre la condamnation prononcée. Y a t il eu un avant contrat avant l 'acte authentique de vente? qui étaient partis à l'avant contrat? qui étaient partis à l'acte de vente ? La personne qui a influencé les vendeurs s'est elle manifestée auprès du notaire?Etc....? En l'état, vu l'étrangeté de cette affaire, sans vraiment pouvoir avoir accès (au minimum) au jugement publié et acte publié, mon sentiment est plutôt mitigé. Pour vraiment comprendre cette affaire et la condamnation prononcée il faudrait avoir accès aux conclusions des parties, avant contrat, acte de vente, jugement. En conclusion, les éléments factuels présentés sont trop vagues pour emporter ma conviction en regard du jugement prononcé.
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L
Vous en avez fait le but de votre vie?
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A
Je n'ai absolument pas l'intention de m'engager dans une conversation d'ordre philosophique, pour une démarche qui relève plus simplement d'un "règlement de compte" comme certains, non sans raison, l'ont déjà fait remarquer, et de l'intérêt général.
L
La constance, ténacité sans relâche dont Mr Trigallou fait preuve pour salir, décrédibiliser et aider nos gouvernants à détruire la profession de notaire ne paraît toujours pas suspecte à tous nos jeunes ou moins jeunes DN?…...
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A
Pour reprendre votre terminologie : la profession a consacré plus grande énergie à se salir et se decredibiliser elle-même. J'en ai moi-même fait les frais, et c'est ce qui justifie et légitime mon action. C'est là toute la logique et la cohérence de cette histoire, dont je me serais bien passé ... mais ça n'à pas été possible.
A
Vous avez raison de poser cette question parfaitement légitime. Pour la réponse, je renvoie ceux qui s'interrogent à la lecture de mon livre "L'honneur d'un notaire" téléchargeable gratuitement sur ce blog, et je reste à leur disposition pour toutes autres explications qu'ils pourraient souhaiter. Mon action depuis maintenant de nombreuses années, que certains qualifient de "règlement de compte", est tout autant légitime et rejoint l'intérêt public. Elle a contribué à la réforme en cours, et c'est déjà, pour moi, une première victoire.
C
Rôle trouble du Notaire : <br /> Cette affaire ne laisse de surprendre le professionnel que je suis. Il faudrait vraiment avoir accès à toutes les pièces clefs d’un tel dossier pour arriver à comprendre les méandres d’une telle affaire.<br /> Vous évoquez une vente à 460.000 Euros alors qu’elle était estimée à 1.200.000 Euros. L’écart me paraît « sidéral ». Existait il un rapport d’expertise, où à défaut quels sont les éléments de comparaison pris en considération, d’autant que vous visez une revente à 560.000 Euros.<br /> Posé brutalement, on ne comprend pas effectivement au jour de la 1ière vente pour 460.000 Euros, la convention de revente pour 850.000 Euros. Légalement, le rachat est possible au travers d’une convention de réméré, mais le cadre juridique en est strictement défini. Mais un tel écart de prix, même sur convention de réméré laisse dans l’expectative.<br /> Sur les faits bruts ainsi posés, ce point est effectivement troublant. <br /> Sur la psychologie des cédants, vous évoquez la réception d’une lettre anonyme. Là vous évoquez une problématique de terrain très complexe de l’appréhension du discernement des personnes présentes devant un notaire. <br /> En pratique, il existe une revue JUSTICE ACTUALITES (n°8 2013), département Recherche & Documentation de l’ENM, laquelle a posé des critères prudentiels d’analyse du comportement devant permettre de s’interroger sur le fait de savoir si les personnes présentes sont susceptibles d’être sous l’empire ou non d’une influence externe affectant leur libre consentement. <br /> Si les documents officiels ne révèlent aucune incapacité juridique, l’on se trouve dans une question de pure fait où le professionnel doit forger sa propre conviction en regard des éléments de faits dont il a connaissance. Sur ce point, les éléments factuels accessibles de manière externes me laissent dans une profonde expectative. <br /> J’attends donc avec impatience la publication des jugements pour comprendre ce qui s’est réellement passé, d’autant que parmi l’ensemble des vendeurs certaines personnes par leur profession et niveau d’étude laissaient présager d’un certain niveau de discernement ? <br /> L’accès au détail minutieux des faits, actes et jugements me semble vital pour comprendre une telle affaire, ne serait ce pour ne pas se retrouver dans une situation aussi peu commune.
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