Extraits d'un article du télégramme de Brest daté du 22 mars :
"22 mars 2016/ Propos recueillis par Alain Le Bloas /
/2016/03/22/notaires-les-offices-ruraux-menaces
Les notaires ont mesuré l'impact que la réforme de leurs tarifs sur les transactions aura sur leurs entreprises. Le Malouin Pierre-Luc Vogel (ci-contre), président des notaires de France, craint pour la survie des offices ruraux, qui représentent un millier d'emplois et près d'une étude sur trois.
Quelle incidence la loi Macron aura-t-elle sur les chiffres des études ?
Globalement, le chiffre d'affaires baissera de 2,5 %, soit une diminution du résultat de l'ordre de 8 à 10 % en moyenne. C'est évidemment déplaisant pour tout le monde, ce sera supportable pour certains offices mais intenable pour d'autres, là où la valeur des biens est faible. Dans les secteurs ruraux, le résultat pourra s'effondrer de 30 à 40 %. Aucune entreprise ne peut en sortir indemne.
Quelle est la mécanique de ce différentiel ?
La baisse globale de 2,5 % est le résultat de deux réductions, l'une de 1,4 % est homogène sur tous les tarifs, et l'autre de 1,1 % est concentrée sur les seuls petits actes puisque les émoluments seront plafonnés à 10 % de la valeur du bien, avec un minimum de 90 euros. Et les prix de l'immobilier sont évidemment très différents entre les villes et les campagnes. C'est vrai pour les maisons, mais la différence est plus nette encore sur les terrains. À la campagne, les ventes des petites parcelles non constructibles à moins de 1.000 euros ne sont pas rares mais demandent autant de travail que les grosses ventes. Au bout du compte, les notaires ruraux vont perdre de l'argent sur un nombre important d'actes.
Combien d'études bretonnes vont-elles devoir travailler à perte ?
Les offices ruraux de Bretagne, hors-secteur littoral où la situation immobilière est évidemment différente, sont dits de catégorie A : ils comptent un notaire et quatre collaborateurs. Ils représentent 31 % des offices de la région, 24 % des notaires, et 20 % des salariés, soit un millier d'emplois. Dans ces études, 18 % des transactions sont inférieures à 9.000 euros, donc un chiffre d'affaires de moins de 900 euros. Il faut savoir qu'une vente représente une vingtaine d'heures de travail : il faut rédiger le compromis, organiser un premier rendez-vous, puis un deuxième pour l'acte de vente, dresser entretemps l'état des droits de préemption ou de servitude et l'état hypothécaire, puis assurer les formalités de publication.
Quelles seraient les conséquences des disparitions d'offices ?
Ce n'est pas le notaire lui-même qui serait le plus en difficulté, il pourra s'installer ailleurs, près d'un pôle urbain, en association ou pas. Ce serait plus dramatique pour les collaborateurs. Et ce serait aussi une perte pour les bourgs. Le notaire est souvent sollicité pour des conseils gratuits ou pour apporter une aide bénévole aux habitants. J'en connais qui font chaque année la déclaration fiscale de personnes âgées du village.
Lors des négociations avec le ministère des Finances, l'administration n'a rien lâché. Avez-vous encore un espoir ?
Oui, bien sûr la loi a été votée mais l'arrêté tarifaire ne sera applicable qu'au 1er mai. D'ici là, j'espère que l'administration tiendra compte du fait que le notariat n'est pas le même à Paris et dans les régions, dans les métropoles et dans les villages. Il serait préférable que le tarif soit raboté de 2,5 % de manière homogène (*), plutôt que de faire peser le plus lourd de la réforme sur les petites études. J'ai été reçu par le Garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas : il connaît bien le droit et ses métiers. Il s'est montré soucieux de rééquilibrer les relations de son ministère avec les professions dont il a la tutelle. * Les notaires vont déposer un recours devant le Conseil d'État."
EN BREF :
Le président du CSN évoque sans beaucoup d'émotion les perspectives des petits offices ruraux : fermeture de l'office, licenciement du personnel, et le notaire qui, à titre personnel, ne serait pas très touché selon PLV, pourrait se réinstaller "près d'un pôle urbain" (et pourquoi pas au coeur d'une grande ville ? - En serait-il donc incapable ?).
Pas un mot sur la situation des "jeunes notaires" très endettés pour l'achat de leur office désormais déprécie, ni sur le "fonds de péréquation" évoqué notamment par Mme Untermaier, par une AG des notaires des Deux-Sèvres dans sa motion de défiance à l'égard du CSN, et à plusieurs reprises sur ce Blog, seule mesure sérieuse susceptible de maintenir le "maillage territorial" régulièrement mis en avant pour repousser toute réforme.
Les notaires concernés, greves par leur nombreux "petits actes", sont abandonnés "en rase campagne" et n'ont plus qu'à se préparer à leur propre disparition.
C'est clairement une interview très condescendante, cynique, sans aucun état d'âme pour les "petits offices ruraux" appelés à disparaître purement et simplement.
Le "Printemps du Notariat" ne serait-il pas plutôt un requiem, non seulement pour les "petits notaires", dont le sort serait déjà scellé, mais aussi pour l'ensemble de cette corporation qui renie ses valeurs (mais en avait-elle vraiment ?) avec autant de légèreté ?